Le 15 octobre dernier, le Reveal de Green Marine Europe a rassemblé des leaders de l'industrie maritime à travers l'Europe, pour aborder des enjeux majeurs, notamment liés à la transition écologique et à son financement. Point d’orgue de cette demi-journée de tables rondes : le dévoilement des armateurs et chantiers navals certifiés en 2024 sur leurs résultats 2023.
Retour sur les temps forts de cette demi-journée de débats.
Les chantiers navals, acteur clé mais encore méconnus de la transition environnementale
Coordinateur de CirclesOfLife, Jorinus Kalis a présenté les principaux objectifs de cet ambitieux projet, visant à améliorer la performance environnementale des chantiers navals. Financé par le programme Horizon Europe, CirclesOfLife mobilise l’expertise de 15 acteurs majeurs de la construction navale en Europe (chantiers navals, ONG, universités, etc.), pour la création de deux outils de mesure et de réduction de l’impact du secteur. Le premier outil consiste en un index SEPI (Shipyard Environmental Performance Index), le second en un passeport de circularité - le « Cradle to Cradle (C2C) Passport).
En écho à cette intervention, Benedetta Mantoan (ONG Shipbreaking Platform, également membre de CirclesOfLife) a abordé l’état actuel du recyclage des navires, en soulignant les défis de cette pratique à l’échelle mondiale.
Benedetta a également mis en lumière l’opportunité économique et environnementale que constitue le recyclage des navires en Europe. A titre d’exemple, on peut citer la volonté du chantier naval portugais Lisnave – certifié Green Marine Europe, de réorienter trois de ses cales sèches pour le démantèlement des navires, répondant ainsi à une demande croissante de ferraille de haute qualité pour produire de l'acier bas-carbone. Dans le même ordre d’idées, en Allemagne, la région de Brême explore des opportunités de recyclage grâce à un consortium financé par le ministère de l'Économie, avec pour objectif de revitaliser les infrastructures de cale sèche actuellement inutilisées, tout en créant des emplois verts et en contribuant au secteur sidérurgique décarboné.
Enfin, Jonathan Pacelle (Chantier Naval de Marseille) a souligné l’importance d’aligner les pratiques des chantiers navals avec les normes ISO. Jonathan a également mis l’importance de Green Marine Europe, pour établir un lien solide entre les armateurs et les chantiers. Les thèmes prioritaires incluent la gestion des émissions atmosphériques, la prévention des déversements, la gestion de l’eau de pluie, des déchets et l'impact communautaire.
Décarbonation du maritime et financement
Christophe Lefebvre (Atlante Gestion), et Laëtitia Gombaud-Saintonge (SWEN) ont discuté des opportunités de financement pour les projets de décarbonation maritime. Les banques sont prêtes à soutenir ces initiatives, dès lors que les entreprises disposent d’un capital de base suffisant. Laëtitia Gombaud-Saintonge a présenté l’approche de SWEN Blue Ocean, qui cible des entreprises innovantes ayant un impact environnemental positif. Elle a cité en exemple des technologies de pointe, telles que les solutions d'anti-encrassement de nouvelle génération et Oceanwings, un système de propulsion éolienne destiné aux navires.
Le sujet du rétrofit – c’est-à-dire la modernisation des équipements pour prolonger la durée de vie des navires – a également été mis en avant. Olivier Pedel (Bourbon Offshore Surf) a souligné l'importance de la classification pour sécuriser ces processus de transformation. Les investisseurs, pour leur part, se montrent particulièrement attentifs aux indicateurs de performance environnementale, notamment ceux liés à la gestion des déchets et au recyclage, en phase avec la grille d’indicateur du programme Green Marine Europe.
Les ports, leviers essentiels pour la durabilité
Au cœur de cette transition, les ports jouent un rôle stratégique en soutenant les initiatives environnementales. Patrick Verhoeven (Association internationale des ports, IAPH) a exposé le World Port Sustainability Program. Ce programme rassemble plus de 400 ports qui partagent des pratiques exemplaires en matière de durabilité et de sécurité des infrastructures. L'un des outils clés de ce programme, l'Environmental Shipping Index (ESI), incite les ports à proposer des réductions de droits d’accostage pour les navires à faible impact environnemental. L’optimisation des escales portuaires est également un levier prometteur pour réduire les émissions.
Jean-Frédéric Laurent (Grand Port Maritime de Bordeaux) a décrit les efforts du port bordelais pour renforcer son engagement en faveur de la durabilité. Cela passe notamment par une stratégie de réduction du recours aux énergies fossiles et par un accent porté sur activités à haute valeur ajoutée, en tenant compte de leur impact social et environnemental.
La Conférence des Nations Unies sur l’Océan : un cap vers des engagements sectoriels renforcés
En préparation de la Conférence des Nations Unies sur les Océans (UNOC), prévue pour juin prochain, Anne-Sophie Cochelin (CMA CGM), Cyrielle Lâm (Plateforme Océan & Climat) et Marianne Carpentier (ORRAA) ont détaillé les enjeux de cette initiative mondiale qui réunira des acteurs de divers horizons. Elle vise à renforcer les engagements pour la protection de l’Océan, alignée avec les objectifs de Green Marine Europe, et les efforts entrepris pour une transformation durable du secteur maritime.
Le collectif, indispensable à une transition durable
Ces rencontres ont illustré la nécessité d’une collaboration étroite entre acteurs industriels, financiers et portuaires pour la réussite de la transition écologique du secteur maritime. En promouvant des normes de transparence et de performance, le programme Green Marine Europe aide les industriels du secteur maritime à s’engager dans des pratiques durables, en adéquation avec les évolutions réglementaires en cours ou à venir (Directives Corporate Sustainability Reporting et Green Claims).